Depuis maintenant plus de 30 ans, nous trions nos déchets : la poubelle jaune pour les emballages papiers, cartons et plastiques ; la poubelle verte pour le verre ; la poubelle grise pour le reste. Et depuis le 1er janvier 2024, une nouvelle poubelle a vu le jour, la marron, celle des déchets alimentaires.
Nous sommes appliqués, mais savons-nous vraiment quel chemin parcourent nos déchets une fois jetés ? Sont-ils tous recyclés ? Où disparaissent-ils ?
Avant de répondre, on vous donne quelques chiffres : en moyenne, vous produisez 580 kg de déchets par habitant et par an. Le budget annuel pour traiter tous nos déchets ménagers est de 20,6 milliards d'euros.
1. Un premier "re-tri"
Pour nos poubelles jaunes et les collecteurs de verre, une première étape consiste à se rendre en centre de tri. Sur de longs tapis mécaniques, nos déchets suivent des tris automatisés basés sur le poids et la taille, puis s'applique un dernier tri manuel. Les déchets ayant le bon format et la bonne matière seront recyclés, les autres iront à l'incinérateur ou en décharge.
2. Le recyclage
Les bouts de verre, de plastiques et de cartons qui passent l'étape de tri sont envoyés dans des centres de recyclage éparpillés dans toute l'Europe. L'emballage est souvent transformé pour devenir de l'énergie ou une couche d'isolation. Par exemple, le plastique est expédié en Suède où il est transformé en PCR (plastique recyclé post-consommation), des billes de plastique produisant de l'énergie en brûlant. Seuls 3 % du plastique recyclé est transformé de nouveau en emballage plastique. Nos capacités de recyclage sont limitées au regard des quantités de matières jetées quotidiennement et de notre savoir-faire. Recycler ne signifie pas refaire un emballage plastique à partir d'un emballage jeté, mais réutiliser la matière même si l'usage diffère. Les usines de recyclage demandent beaucoup d'eau et d'énergie, et leur fonctionnement économique repose sur la présence de déchets en masse.
3. L'incinération
Nos déchets ménagers, ceux de la poubelle grise, ainsi que les plastiques trop fins, les cartons abîmés et tout autre emballage qui n'a pu être recyclé, sont envoyés à l'incinérateur. L'objectif est de produire de l'électricité française et renouvelable tout en réduisant le volume des déchets non recyclables.
En France, nous avons 124 usines qui traitent plus de 14,5 millions de tonnes de déchets par an, mais elles ne produisent que 1 % de l’électricité française. Très consommatrices en gaz pour produire la chaleur nécessaire à l'incinération, ces usines génèrent aussi des résidus gazeux d'épuration des fumées, appelés "refiom", qui sont stockés dans des décharges réservées aux déchets lourds. Si les "refiom" sont traités, ce n'est pas le cas des émissions de dioxines, qui sont des polluants persistants (POP) car aucune réglementation n'impose de les traiter. Pourtant, ces dioxines pénètrent dans nos organismes et ne peuvent s'éliminer. L'incinération émet autant de CO2 que la combustion du charbon.
4. L'enfouissement
Quand les déchets ne sont pas brûlés, ils sont enterrés, 22 % des déchets ménagers sont enfouis en France. On creuse une surface de la taille d'un terrain de football, on pose plusieurs couches d'isolation pour protéger le sol, puis on déverse les déchets. Une fois la fosse pleine, elle est recouverte de couches isolantes, puis de terre, et on laisse les déchets se décomposer.
Cette décomposition produit du méthane (CH4) et du dioxyde de carbone (CO2), 22 % des émissions de méthane en France proviennent des décharges en activité.
Surtout, une fois enterrés, les déchets produisent des "lixiviats", un jus de décharge qui s'infiltre dans les sols et contamine les nappes phréatiques avec des métaux lourds et des microplastiques, cela malgré les couches isolantes apposées sur les terrains d’enfouissement et les réceptacles de "lixiviats" prévus.
Les déchets une fois décomposés serviront à produire des sous-couches routières.
Mais la fabrication d'un site d'enfouissement n'est pas anodine : on creuse une surface équivalente à 30 terrains de football pour l'enduire d'une couche isolante, alors que 25 % des espaces animaux et végétaux vivent sous terre et sont menacés à chaque construction d'un site d'enfouissement.
5. La méthanisation
Les biodéchets représentent 40 % de notre poubelle, soit 6 millions de tonnes. Si auparavant ils étaient enfouis ou incinérés, à partir du 1er janvier 2024, ils seront méthanisés afin de produire des "biogaz".
Regroupés dans une grande cuve close et mélangés régulièrement, les déchets en fermentant produisent de la chaleur et des gaz qui sont collectés et valorisés en énergie, chaleur ou carburant. Si l'idée d'origine est louable, elle reste discutable car les centrales de méthanisation sont très coûteuses à construire, alors que composter naturellement les déchets alimentaires serait bien plus simple et permettrait d'enrichir les sols et de réduire les gaz à effet de serre. De plus, ces usines manquent de ressources et sont friandes de projets de construction qui rasent les forêts. En comparaison, un compost naturel est une technique qui transforme simplement les déchets ménagers en fertilisant. Elle repose sur la fermentation à l'air libre des déchets avec un mélange de matière sèche jusqu'à ce qu'ils deviennent un substrat naturel très riche pour les sols. Ce substrat joue le rôle de fertilisant mais permet aussi d'emprisonner les gaz à effet de serre.
6. Quand sa déborde on expédie ....
Nous en sommes à la 6e étape du traitement des déchets : le tri, le recyclage, l'incinération, l'enfouissement, et pourtant l’État est débordé. Il ne peut traiter tous nos déchets. Alors, parfois, la seule solution pour ces surplus est d'envoyer nos déchets dans des pays d'Afrique, d'Asie du sud-est ou d'Amérique latine. Il est prétexté que ces pays sont équipés de centres de recyclage plus performants que les nôtres. Cependant, la réalité est bien plus triste, car nos déchets sont empilés et forment des montagnes de produits dangereux parmi lesquels les personnes précaires viennent chercher de quoi vivre en revendant nos ferrailles, vêtements abîmés et autres.
Conclusion
Le traitement des déchets est une activité industrielle avec des usines, des centrales et des réseaux de transports dont le modèle repose sur les déchets et donc la production massive de biens de consommation jetables. Ainsi, il ne faut pas uniquement se focaliser sur l'impact du traitement des déchets mais aussi sur celui des usines qui produisent les objets qui finiront dans notre poubelle. Aujourd'hui, on estime que 90 % de la perte de biodiversité et du stress hydrique sont provoqués par la fabrication de biens de consommation. Alors, il est temps de passer à la consigne et à l'achat en vrac !
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Nos sources
Rapport de l'Ademe- Déchets chiffres clés 2023
Déchets partout, justice nulle part d'Alice Elfassi et Moïra Tourneur, éditions Rue de l'Echiquier
Reportage : Face cachée du recyclage d'Hugo Clément
United Nations Environment Programme, Waste of Energy : Considerations for Informed Decision-Making, 2019
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